PASSA CAMIN & VOTZ DE GALERNA

PASSA CAMIN & VOTZ DE GALERNA

Concert de Noëls occitans à LA CLOTTE


PASSA CAMIN et VOTZ DE GALERNA ont proposé en décembre 2018 à LA CLOTTE le « Concert de Noëls occitans » .


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Nous remercions les habitants de La Clotte pour leur accueil chaleureux, ainsi que monsieur le maire Claude PEYNAUD et le Père Bernard HOUSSET.


Aquo’s pro durmit, mainada !
(C’est assez dormi, la troupe)

On ne saura jamais ce que Natalis Cordat, prêtre originaire du Velay (1610 – 1663) aurait fait de son recueil manuscrit de Noël français occitan, si la mort ne l’avait prématurément emporté « de fièvre chaude » nous dit dans son journal son voisin et ami l’abbé Hugues Aulanier. Vicaire de Cussac, Malpas et Tarreyre, trois minuscules paroisses de la montagne vellave, au sud du Puy-en-Velay, Cordat – dont le prénom natal destinait à l’activité de noëlliste – à composé très jeune, dans les années 1630 et 1640, des noëls de facture savante ou populaire (dits par lui « à la paysande »). Son très beau Noël universel du lieu de Cussac, faict à la paysande de ce temps ici présenté, date de 1636. Entièrement en occitan vellave (du Velay), ce Noël reprend comme celui de l’abbé Girardeau au siècle suivant, le topos de la revue des habitants du village (ici trois hameaux) pris sur le vif dans leur activité quotidienne, ou moqués gentiment pour tel ou tel trait distinctif, et convergeant finalement tous vers l’adoration de l’Enfant Jésus dans la crèche.


Un jove pastre somelhava
(Un jeune pâtre sommeillait)

Noël connu en Montagne Noire mais également en Limousin, Périgord, Quercy, Rouergue, Albigeois et Haut-Languedoc, collecté à de nombreuses reprises à travers le pays occitan avec quelques variantes. Celle qui est interprétée ici se base sur une version collectée à Limoges. Ce noël en langue d’Oc est interprété pour les fêtes de la Nativité sur le Carillon de l’église.


Crestian ven dab resjoissença
(Chrétien, viens avec réjouissance)

Jean de Gaufreteau (1572-1639), avocat, curé de Libourne puis de Budos, conseiller au Parlement de Bordeaux, commissaire aux requêtes, fut un juriste et un chroniqueur très prolifique, issu d’une grande famille de la magistrature bordelaise. À la suite de son confrère bordelais Gabriel de Lurbe, et à l’instar du magistrat parisien Pierre de l’Estoile, ce riche parlementaire se livra à l’exercice alors en vogue de la rédaction de chroniques. Celle de Gaufreteau raconte les grands événements majeurs – à ses yeux – qui se sont déroulés à Bordeaux entre l’année 1240 et 1638. Elle est suivie de plusieurs noëls que l’on peut attribuer à l’auteur, sans que la parenté n’en soit totalement établie. L’un d’entre eux, ici proposé, est écrit en gascon. Dans le Bordeaux de cette époque, l’occitan était la langue de tous, à tous les niveaux sociaux, même si les élites financières, politiques et juridiques parlaient déjà toutes le français. Gaufreteau n’ayant pas laissé de mélodie pour son noël, il est ici interprété sur une mélodie recréée pour l’occasion.


Aci l’avèm le temps aimable
(Nous avons là l’aimable temps)

Pierre Godolin (1580 – 1649) est né et a grandi dans une famille bourgeoise de Toulouse. Après une formation de juriste, il fut reçu avocat mais semble n’avoir jamais plaidé. Il consacra sa vie à l’écriture, et devint une sorte de poète officiel au point d’être pensionné, à la fin de sa vie, par les Capitouls de la ville. Son oeuvre est rassemblée dans le Ramelet mondin (Le petit bouquet de Toulouse), « petit bouquet » qui s’augmenta plusieurs fois, lors de ses éditions successives, de nouvelles « Floretas » (petites fleurs), c’est-à-dire des poèmes composés entre deux éditions, soit quatre fleurettes en tout à la dernière édition de 1646.

La créativité de Godolin ne se borne pas à réutiliser des genres consacrés par la tradition et/ou les arts poétiques de son temps. Il s’empare du genre du noël, s’écartant ainsi délibérément des usages établis. Les quatre Noëls que Godolin insère à la fin du Ramelet de 1617 fondent une tradition puisque chacun des recueils parus du vivant de l’auteur comportera désormais une section dévolue à ce genre.

« Aci l’avèm le temps aimable » figure dans le Ramelet Mondin sous le nom de Nouél de l’an 1646.


L’estrange deluge
(L’étrange déluge)

Dans l’automne de 1674, des crues terribles frappent la Provence. Gonflés par les pluies, le Rhône et la Durance débordent, noient la plaine provençale et le comtat Venaissin. Plusieurs milliers de victimes sont à déplorer, et les autorités sont dépassées. Avignon et son pays sont alors des terres pontificales, dépendant directement de Rome. Le vice-légat Carlo Anguisciola, représentant du pape Clément X et l’archevêque d’Avignon Giacinto Libelli, deux prélats italiens issus de la Curie romaine, font ce qu’ils peuvent pour venir en aide aux populations désemparées. Le maître de chapelle de la collégiale Saint-Pierre d’Avignon, un prêtre du nom de Nicolas Saboly (1614-1675), alors le plus célèbre des noëllistes (auteurs de noëls en langue occitane) de Provence, compose ce noël, plus événementiel que spirituel, inspiré par la vision de cette catastrophe qu’il rapproche du Déluge de la Genèse.


Gardatz, Tot Puissant
(Gardez, Tout Puissant)

Noël attribué à l’abbé Girardeau (1700 – 1771), curé de Saint Macaire, qui le publia – sans mélodie notée – à la suite de son ouvrage satirique Les Macarienes en 1763. Dans la tradition occitane, ce Noël passe en revue les habitants des différents quartiers du village qui convergent tous vers l’église à l’appel de leur pasteur pour adorer l’Enfant Jésus. Cette façon de faire se retrouve toujours aujourd’hui dans la tradition provençale – bien que très galvaudée – des santons (littéralement petits saints en occitan). La mélodie sur laquelle il est interprété a été empruntée à un autre Noël occitan attribué au poète et avocat toulousain Pierre Goudouli ou Godolin (1580 – 1649). Cette mélodie est parue dans un recueil de cantiques spirituels provençaux et françois imprimé à Paris en 1759.


La camba me fai mau
(La jambe me fait mal)

Sans doute le plus célèbre des noëls occitans, cette œuvre de Nicolas Saboly paraît pour la première fois en 1699 dans un recueil posthume de noëls du maître de chapelle avignonnais. Selon Henri Moucadel, il pourrait dater de 1664. Le narrateur, tourné en dérision pour sa claudication, pourrait être non pas un prêtre boiteux de la connaissance de Saboly comme le rapporte une certaine tradition, mais le vice-légat Gaspard de Lascaris-Vintimille (v.1610-1684) en personne, ennemi de Saboly et d’une partie du clergé avignonnais.


Le Noël des grands jours

Les Grands Jours d’Auvergne furent des tribunaux exceptionnels mis en place par la justice royale à Clermont-Ferrand et au Puy-en-Velay en 1665-66, pour juger en dernier ressort des exactions commises par la noblesse auvergnate contre le peuple, et délaissées par les juridictions locales. Ingérence du pouvoir royal central dans la noblesse auvergnate, cette opération de police et justice prend le prétexte de venir au secours des paysans du pays pour diminuer et rabaisser l’aristocratie locale, et régler aussi quelques comptes localement. Esprit Fléchier (1632 – 1710), futur évêque de Lavaur et de Nîmes, rédige un mémoire sur les Grands Jours d’Auvergne dans lequel il intègre plusieurs poèmes et textes de circonstance. Parmi eux, un noël en occitan auvergnat de Limagne (la région de Clermont-Ferrand) est attribué à l’un des frères Laborieux, Claude (1615 – 1689), chanoine de Clermont et auteur de vers occitan avéré, ou son frère dit Laborieux l’Aîné. Il date, pour les faits qu’il relate, de 1665. Issue de la haute bourgeoisie clermontoise, liée à la maison du vicaire général François de Champflour, la famille Laborieux est proche du pouvoir. Le texte est toutefois impitoyable pour la noblesse et la bourgeoisie
clermontoises. Il nous est connu grâce à l’application d’un autre chanoine de la cathédrale de Clermont, le père Tailhandier (1660 – 1746), qui composa un recueil de poèmes auvergnats, auquel il l’intégra. Parvenu à nous sans musique, le Noël des Grands Jours est restitué ici sur une mélodie traditionnelle écossaise du XVIIIe siècle, For ever fortune.


A la venuda de Nadau
(À la venue de Noël)

Sur ce très vieux Noël bordelais, le polygraphe et folkloriste Sylvain Trébucq nous dit en 1912 que jadis, il se chantait beaucoup dans le quartier des Halles, c’est-à-dire autour du marché des Capucins, le quartier où l’occitan s’est parlé le plus longtemps dans Bordeaux.


Los nombres
(Les nombres)

Énumération des nombres associés à des figures, dogmes et faits de la tradition chrétienne, ce texte est présent dans la tradition provençale et alpine. Il a été adapté ici en occitan du Bordelais.


N’i a gaire qu’ai auvit
(Il n’y pas longtemps que j’ai entendu)

Autre célèbre noël Limousin, connu aussi bien en Périgord que dans la région de Limoges.


Aqueth aimable hilhet
(Cet aimable enfant)

Élie Boirac, boulanger, chansonnier et pamphlétaire de Saint Macaire (1810 – 1884), est l’auteur d’environ soixante-dix textes – chansons, pamphlets, satires politiques, saynètes – dont environ la moitié en occitan. Il n’a jamais publié, ses œuvres s’étant essentiellement transmises par tradition familiale. On y retrouve un noël nouveau, Cantic gascon chanté sur l’air : Il est né le divin enfant. Roland Baudet, transcripteur des œuvres de Boirac et descendant du poète, précise que ce texte a probablement été écrit de façon improvisée pour un soir de Noël, ce qui pourrait expliquer ses imprécisions prosodiques.


Cançon de breç
(Berceuse)

Berceuse composée en l’honneur de ce Noël 2018.


De còr, de votz
(De coeur, de voix)

Ce noël censé être entonné par les anges si l’on en croit son incipit, est paru pour la première fois en 1783 à Toulouse, chez l’imprimeur Jean-Joseph Douladoure, dans le recueil Cantiquos noubéls sur la naissenço de Nostre-Seigne Jesus-Christ, per estre cantats le joun de Nadal, à la Messo de miéjo-néyt, aban la Messo de miétjoun, à Brespos aprép le Magnificat, les Festos suibéntos, é particuliéromen les jouns de la Circouncisiu é des Réys. Per un Bachelier en Theologio. Le recueil , chose rare, est publié avec sa musique notée. Nous ignorons qui est le « bachelier en théologie » qui en est l’auteur, mais son succès semble confirmé par une réédition de 1785 (sans musique) pour l’érudit, bon, zélé et beau chantre André, précise une note autographe, précisant également qu’il fut cantat chés les R.R. pèro tierceros le 26e decembre 1785. Dans cette version, il est précisé que ce cantico noubel fut chanté par la jeunesse du quartier des Tourneurs, dans l’église Saint-Guiraud, proche de la place de la Pierre, à Toulouse.


Revelhatz-vos mainada
(Réveillez-vous, la troupe)

C’était déjà le plus connu et un des plus anciens noëls gascons quand Pierre Gobain ou Gobin (circa 1670-1730), maître écrivain-juré, pédagogue et économiste, originaire de Blaye, l’a fait réimprimer chez l’éditeur bordelais Séjourné en s’en attribuant sans vergogne la paternité. S’il a probablement ajouté des couplets et quelque-peu « girondinisé » la langue, Gobain n’est pas l’auteur de Revelhatz-vos mainada, mais il a contribué à prolonger la longévité et la popularité de ce très vieux noël gascon qui était encore chanté dans les campagnes vers 1930.